À Lisbonne, du 26 au 30 septembre dernier, se tenait le 28e symposium scientifique de l’Organisation mondiale des professionnel·les de la santé trans (WPATH). La délégation de Trajectoires Jeunes Trans, composée de 6 professionnel·les de la consultation diversité de genre de la Pitié-Salpêtrière, et de 5 responsables associatif·ves (Acceptess-T, Espace Santé Trans, OUTrans).
Deux personnes de ces associations ont présenté chacune d’entre elle un poster scientifique décrivant les groupes de parole qu’elles organisent. À ce sujet, l’agenda des groupes de parole d’OUTrans est disponible sur leur site ici : il s’agit de groupes de parole pour des publics variés, sans inscription, essentiellement en présentiel. Les groupes de parole de l’Espace Santé Trans en revanche se font sur inscription ici, en présentiel ou en distanciel ; il s’agit de groupes plus restreints (une dizaine de personnes), avec un suivi sur 8 séances, à raison d’une séance par semaine.
Malo Radureau, psychologue clinicien à la consultation Diversité de genre à la Pitié-Salpêtrière, présenté à l’oral des résultats du dispositif de groupes de parole de la Pitié pour adolescent·es trans et en questionnement, et de leurs parents. 8 entretiens semi-structurés ont été menés auprès d’adolescent·es ayant participé en moyenne 20 mois aux groupes de parole. 4 thèmes principaux sont ressortis de l’analyse des entretiens. Les expériences personnelles incluaient des difficultés telles que les tensions intrafamiliales ou l’isolement social. Les difficultés relatives à la participation aux groupes de parole incluaient un sentiment d’appréhension au début ; tandis que les bienfaits de la participation à ces groupes incluaient une grande satisfaction liée à ces groupes, et l’aspect transformatif sur la vie quotidienne en termes d’affirmation et d’expression de soi, de connexion avec les autres, et de capacité à se projeter dans le futur. Les groupes de paroles pour parents (distincts des groupes de paroles pour ados) ont, quant à eux, permis de soulager les parents ainsi que d’améliorer grandement la communication avec leur enfant. Dans l’ensemble, les résultats indiquent une expérience grandement positive pour les adolescent·es participant à ces groupes de parole.
Pour accéder au mémoire de Malo Radureau, cliquez ici.

Claire Vandendriessche, coordinatrice associative de Trajectoires Jeunes Trans, a présenté à nouveau l’étude présentée à l’EPATH (2023), qui avait alors reçu le prix du meilleur poster de la conférence. Depuis l’année précédente, l’étude a été légèrement améliorée dans son design, ce qui a changé les résultats à la marge, apportant un soutien partiel à l’hypothèse de la dysphorie de genre rapide chez les adolescent·es transmasculins, plus utilisateurs des réseaux sociaux que les adolescent·es transféminines, mais néanmoins pas en moins mauvaise santé que les autres. Claire Vandendriessche et Pr David Cohen (chef de service de la psychiatrie de l’enfant et l’adolescent à la Pitié-Salpêtrière), sont revenu·es sur le constat unanimement partagé d’une prédominance de jeunes assignés fille à la naissance chez les adolescent·es, et, s’appuyant sur les données de l’Agence européenne des droits fondamentaux (~ 100 000 personnes LGB cis, ~ 20 000 personnes trans), expliquent ce phénomène par les plus grandes difficultés des jeunes assignés garçon à la naissance à faire leur coming out dans l’adolescence. Ce résultat est retrouvé chez les jeunes LGB cisgenres : les jeunes gays cis, comme les jeunes femmes trans, ont plus de difficultés à faire leur coming out dans l’adolescence que les jeunes lesbiennes cis ou les jeunes hommes trans, ce que les auteurs imputent à une plus grande difficulté à transgresser la masculinité que la féminité. Plus tard, à l’âge adulte, les proportions s’inversent, favorisant le coming out chez les personnes assignées garçon, de telle sorte que les ratios de genre entre personnes assignées garçon et assignées fille semblent s’équilibrer, dans la population générale trans comme dans la population générale LGB cis. Le coming-out plus tardif des personnes LGBTQI+ assigné·es garçon à la naissance s’observe dans chacun des 30 pays d’Europe étudiés, avec des variations qui laissent supposer une influence des politiques nationales plus ou moins répressives envers ces personnes.
Plusieurs études, non publiées à ce jour, ont retenu l’attention de l’équipe de TJT, notamment cinq portant sur l’effet à long terme des soins d’affirmation de genre chez les adolescent·es.
La Dre Diane Chen a présenté une étude sur les trajectoires de la santé mentale des jeunes trans au cours des quatre années suivant le début des hormones affirmatives de genre. Les recherches précédentes montrent généralement une amélioration de la santé mentale après le début de ces traitements, mais elles sont limitées par la courte durée de suivi (environ un an) et se concentrent principalement sur des aspects internes comme l’anxiété ou la dépression. L’étude de Chen (non publiée), a suivi 316 jeunes trans (majoritairement transmasculins) sur quatre ans et a identifié trois trajectoires distinctes : 25 % des jeunes avaient constamment de faibles niveaux d’anxiété et de comportements à risques, 56 % montraient une diminution de ces problèmes, et 18 % avaient des niveaux élevés persistants. L’étude révèle que 95 % des jeunes ayant reçu des soins affirmatifs précoces présentaient une amélioration ou des niveaux faibles de problèmes de santé mentale. Les facteurs de protection identifiés incluent un soutien parental, une moindre solitude, moins de stress lié à la minorité de genre et un soutien émotionnel. L’étude souligne que les hormones ne résolvent pas à elles seules les défis de santé mentale pour les jeunes trans isolé·es ou confronté·es à une hostilité anti-trans, et que des soutiens plus ciblés sont nécessaires pour celle·ux avec des niveaux élevés de détresse persistante.
Dr. Laura Kuper a présenté les résultats préliminaires d’une étude longitudinale sur les jeunes trans, démarrée en 2014, qui suit 738 jeunes de 6 à 18 ans au début (âge moyen : 15 ans) ainsi que leurs parents, sur une période allant jusqu’à 9 ans. L’étude examine la qualité de vie, l’anxiété, la dépression et l’insatisfaction corporelle, et a récemment ajouté des mesures de dysphorie de genre, de stress socio-politique et de regret de décision. Parmi les jeunes ayant commencé puis arrêté les traitements hormonaux, 10 % ont interrompu les œstrogènes et 32 % la testostérone, souvent à cause de difficultés d’accès ou de satisfaction suffisante avec les changements. Près de la moitié de ces jeunes ont fini par reprendre les traitements. La majorité des jeunes et des parents ont exprimé une grande satisfaction quant à la décision de commencer les traitements hormonaux, et seulement environ 2 % ont exprimé des regrets. Les résultats sur 5 ans montrent une diminution significative de l’insatisfaction corporelle et une légère amélioration sur le plan de la dépression et de l’anxiété, bien que les scores restent parfois élevés, notamment pour les jeunes sous testostérone. Les scores de qualité de vie se sont également améliorés. L’étude souligne que les améliorations de la santé mentale ne devraient pas être le principal critère pour justifier les soins affirmatifs de genre, surtout pour les jeunes qui bénéficient déjà d’un bon soutien social et ont déjà une santé mentale satisfaisante avant la puberté. Elle rappelle aussi que les jeunes étudiés du Texas subissent un stress socio-politique important, ce qui influence leurs résultats en matière de santé mentale.
La Dre Kristina Olson a présenté une étude sur la satisfaction, le regret et la continuité des soins des adolescent·es trans vis-à-vis des soins d’affirmation de genre (bloqueurs de puberté et hormones). Cette recherche, appuyée sur le Trans Youth Project, a suivi de façon prospective 317 jeunes trans ayant effectué une transition sociale entre 3 et 12 ans, principalement aux États-Unis, tous les 1 ou 2 ans, pendant 7 à 11 ans. Les jeunes trans sont comparés à leurs frères et sœurs ou à d’autres jeunes cisgenres ; les parents des jeunes trans sont également interrogés. Les jeunes, qui ont en moyenne commencé les bloqueurs de puberté à 11 ans et les hormones à 13 ans, ont montré des niveaux de satisfaction très élevés avec les traitements : satisfaction moyenne de 6,4 à 6,5 sur une échelle allant de 1 à 7 pour les jeunes et de 6,7 à 6,9 pour les parents, avec des niveaux de regret très bas (1,0 à 1,5 sur une échelle allant de 1 « pas de regret » à 7 « fort regret »). Parmi les 220 jeunes trans qui ont répondu au questionnaire, seuls 2 % ont cessé les soins d’affirmation de genre ; iels étaient 4% parmi celle·ux n’ayant pas répondu à l’enquête mais pour lesquel·les les données sur la continuité des soins étaient disponibles. L’étude montre également que la plupart des jeunes auraient souhaité commencer les traitements plus tôt ou estiment les avoir commencés au bon moment. Par ailleurs, l’étude démontre une dissociation entre les regrets (4 % des répondant·es, soit 9 individus sur 220) et l’arrêt des soins : les personnes qui arrêtent les hormones n’ont pas nécessairement regretté d’en avoir pris ; les personnes qui regrettent avoir commencé les hormones n’arrêtent pas forcément d’en prendre. Le groupe des jeunes trans présente un bien-être mental comparable à celui de leurs pairs cisgenres, mais fait face à un accès plus difficile aux soins affirmatifs pour les générations suivantes, en raison de nouvelles barrières aux soins pour les jeunes trans aux États-Unis.
La Dre Marijn Arnoldussen des Pays-Bas a présenté une étude sur les résultats à long terme des personnes trans ayant effectué une transition médicale à l’adolescence. L’étude portait sur des adultes ayant reçu des bloqueurs de puberté et des hormones affirmatives il y a plus de 9 ans, avec 72 participant·es sur les 145 éligibles. La vaste majorité (94,4 %) n’a pas changé d’identité de genre depuis le début de leur transition médicale à l’âge moyen de 14,85 ans jusqu’à l’âge actuel moyen de 29,1 ans. 83 % n’ont pas ressenti de regret ou de doutes concernant leur transition médicale, tandis que 17 % ont exprimé des doutes ou des regrets, principalement liés à des choix de techniques chirurgicales ou à la perte de fertilité. Un/e seul/e participant/e a regretté les hormones et la chirurgie reçues. La plupart (69,4 %) ont estimé qu’iels étaient capables de prendre des décisions concernant leur transition à un âge encore plus jeune que celui autorisé par le modèle néerlandais ; 23,6 % ont considéré que le timing de décision était correct. Globalement, 98,6 % des participant·es étaient satisfait·es de leur transition sociale et médicale, bien que certain·es d’entre ell·eux ont pu regretter une partie de leur transition médicale. Les regrets étaient surtout associés à des aspects chirurgicaux, souvent influencés par les critères stricts de transition et les contraintes légales de l’époque.
La Dre van der Meulen des Pays-Bas a présenté une étude sur la dysfonction sexuelle chez les adultes trans ayant effectué une transition médicale précoce ou tardive, à l’adolescence. L’étude portait sur 70 adultes trans âgés en moyenne de 29 ans, dont 50 hommes trans et 20 femmes trans, comparant ceux ayant reçu des bloqueurs de puberté dès la puberté précoce (stades de Tanner 2 ou 3) à cell·eux les ayant reçus plus tard dans l’adolescence (stade de Tanner 4 ou 5). Les résultats montrent que la dysfonction sexuelle reste globalement faible dans ces groupes, sans différence significative entre ceux ayant transitionné tôt ou tard. Parmi les hommes trans, 18 % ont signalé un faible désir sexuel, et 24 % des difficultés à atteindre l’orgasme. Chez les femmes trans, 20 % ont signalé un faible désir sexuel, et 35 % des difficultés à atteindre l’orgasme. Les taux de dysfonction sexuelle varient légèrement selon l’âge de la transition, mais l’étude souligne que d’autres facteurs, ainsi qu’une meilleure prise en compte des expériences et des perspectives des personnes trans, sont nécessaires pour mieux comprendre ces résultats.
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