Après plusieurs années de travail, l’Association des Sociétés Médicales Scientifiques (AWMF), organisation regroupant de nombreuses sociétés savantes germanophones, a publié un texte de consensus scientifique sur les soins d’affirmation de genre spécifiques aux adolescent·es trans, de 425 pages. Ce consensus a impliqué une très large participation : 26 organisations professionnelles médicales et psychothérapeutiques, ainsi que deux organisations de personnes concernées, ont contribué à la construction du consensus, applicable pour l’Allemagne, l’Autriche et la Suisse.
D’emblée, les sociétés savantes soulignent le contexte éthique délicat de la production scientifique de preuves médicales définitives sur ces soins pour la population adolescente trans, en raison de l’absence d’efficacité prouvée des approches alternatives à l’affirmation de genre : « En l’absence d’alternatives thérapeutiques efficaces sans mesures médicales de modification corporelle en cas d’incongruence de genre persistante avec une souffrance dysphorique de genre, il est, pour des raisons éthiques, difficile de réaliser des études cliniques contrôlées d’efficacité, de sorte que les preuves disponibles reposent principalement sur des études d’observation clinique. »
En l’absence d’essais randomisés contrôlés, l’expertise médicale des professionnel·les est d’autant plus nécessaire à l’élaboration de lignes directrices. Cette approche, fondée sur l’expérience des professionnel·les accompagnant les jeunes trans, témoins directs des effets des soins d’affirmation de genre qui peuvent leur être prescrits, se distingue fondamentalement de l’approche suivie par le rapport Cass (déjà évoquée sur notre site ici) : « Dans les lignes directrices de certaines autorités sanitaires nationales, comme celles publiées en 2024 dans le rapport Cass pour le NHS England et Wales (Cass, 2024), une approche relativement plus restrictive pour l’accès des adolescent·es aux mesures de modification corporelle est recommandée en raison de la situation de preuves incertaine. La participation d’experts cliniques à l’élaboration de ces recommandations n’est pas assurée ou n’est pas transparente ou discutable. »
À ce sujet, l’AWMF appuie son propos sur la déclaration de la Chambre fédérale des médecins d’Allemagne (2020) : « La médecine basée sur les preuves est l’utilisation prudente, explicite et judicieuse des meilleures preuves scientifiques externes actuelles pour les décisions dans la prise en charge médicale des patients individuels. La pratique de la médecine basée sur les preuves signifie l’intégration de l’expertise clinique individuelle avec les meilleures preuves externes disponibles issues de la recherche systématique. La médecine basée sur les preuves repose sur trois piliers : l’expérience clinique individuelle, les valeurs et les souhaits du patient, et l’état actuel de la recherche. »
S’agissant des débats éthiques au sujet des soins d’affirmation de genre, les sociétés savantes de l’AWMF reconnaissent qu’il faut prendre en compte « d’une part, les conséquences irréversibles d’une décision de traitement pour un traitement hormonal », mais aussi, « d’autre part, [le fait qu’un] report de ce traitement en raison de la progression irréversible du développement des caractères sexuels masculins ou féminins peut conduire à une consolidation de la souffrance dysphorique de genre et donc à une aggravation et une chronicisation d’un état de souffrance dysphorique de genre. » L’AWMF souligne, en reprenant l’exigence du Conseil éthique allemand qu’une « évaluation des bénéfices et des risques spécifiques au cas par cas concernant les conséquences irréversibles à la fois d’un traitement et d’une absence de traitement, […] doit précéder toute indication de mesures médicales de modification corporelle. ». Toujours dans cette mise en balance éthique, « L’exigence selon laquelle les principes médico-éthiques de bénéfice et de non-malfaisance dans ce contexte de traitement doivent s’appliquer à la fois à l’action médicale active et à l’inaction », cette dernière pouvant « entraîner un risque accru pour une santé psychologique à long terme altérée. »
Évoquant la construction du consensus des expert·es, les auteur·ices du texte reconnaissent la possibilité de dissensus, notamment sur les positions éthiques et thérapeutiques de base, qui sont systématiquement documentés. La plupart des recommandations fondées sur les preuves font néanmoins état d’un fort consensus (> 95 % d’approbation).
Comment les recommandations des lignes directrices sont-elles justifiées en cas de preuves incertaines ? Les sociétés savantes de l’AWMF répondent directement à cette question et justifient leur méthodologie ainsi : « Les recommandations des lignes directrices reconnues dans le domaine médical, pour lesquelles il n’y a que des preuves incertaines ou très incertaines, sont largement répandues en médecine. Cela s’applique en particulier à la médecine pédiatrique et adolescente. Selon une méta-analyse récente, dans l’ensemble de la médecine pédiatrique et adolescente, 82 % de toutes les recommandations de traitement dans les lignes directrices médicales pour les prescriptions hors AMM reposent sur des preuves incertaines à très incertaines (Meng et al., 2022). Si l’on considère que dans la médecine pédiatrique et adolescente, jusqu’à 65 % de tous les médicaments prescrits en milieu hospitalier ainsi que jusqu’à 31 % de tous les médicaments prescrits en ambulatoire ne sont disponibles que pour un usage hors AMM (Kimland & Odlind, 2012), on peut estimer l’ordre de grandeur des recommandations établies des lignes directrices pour les enfants et les adolescents qui reposent sur des preuves incertaines à très incertaines. Jusqu’à la fermeture des lacunes de preuves par des études ultérieures, des recommandations de lignes directrices basées sur le consensus sont généralement formulées dans la médecine pédiatrique et adolescente dans le sens d’une pratique reconnue, si, outre les expériences cliniques positives, les conditions suivantes sont remplies en tout ou en partie (Meng et al., 2022) :
- Des preuves suffisamment solides pour le traitement sont disponibles pour les adultes.
- Le mécanisme d’action est considéré comme exploré, et une sécurité suffisante pour les patients est assurée pour une autre zone d’application.
- Il n’existe pas d’alternative thérapeutique éprouvée et acceptable.
- Une absence de traitement n’est pas éthiquement défendable. »
Sur l’ensemble de ces critères, les sociétés savantes de l’AWMF concluent que « l’utilisation de mesures médicales de modification corporelle chez les adolescent·es présentant une incongruence de genre persistante sont également justifiées. »
Les recommandations :
Sur les transitions sociales dans l’enfance
S’agissant des recommandations sur les transitions sociales avant la puberté, les expert·es s’accordent à dire qu’elles relèvent du droit, et non de la médecine : « Lors du conseil aux enfants présentant une incongruence de genre ou une dysphorie de genre, qui envisagent un changement de rôle social avant la puberté, ainsi qu’à leurs responsables légaux et, le cas échéant, à d’autres personnes de référence, la personne qui conseille doit respecter le droit de l’enfant au libre développement de sa personnalité. »
Cela ne signifie pas pour autant que les professionnel·les de santé ne peuvent pas être impliqué·es, notamment en faveur d’un soutien parental à l’exploration et l’affirmation de genre : « La personne qui conseille doit tenter de sensibiliser les responsables légaux et les personnes ayant autorité parentale à adopter une attitude qui permette à l’enfant d’explorer et de développer de manière autonome son identité de genre et son rôle social de genre. » Les professionnel·les de santé sont amené·es également à agir face à la minorisation que peut subir l’enfant : « La personne qui conseille doit offrir un soutien professionnel pour protéger l’enfant et/ou ses personnes de référence contre la stigmatisation et la discrimination, indépendamment des décisions individuelles et du parcours de vie des personnes concernées. »
Sur les bloqueurs de puberté à l’adolescence
S’agissant de l’initiation des bloqueurs de puberté chez des adolescent·es trans, les recommandations des sociétés savantes allemandes, autrichiennes et suisses rejoignent celles d’autres recommandations internationales (WPATH, notamment) : « La mise en place d’une indication pour le blocage de la puberté chez les adolescents présentant une incongruence de genre ou une dysphorie de genre doit se faire dans un cadre interdisciplinaire. Une condition préalable à cette indication est une évaluation et une clarification diagnostique soigneuse, adaptée à l’urgence et à la complexité de la situation individuelle, réalisée par un professionnel de la psychiatrie et de la psychothérapie expérimenté dans le diagnostic et le traitement de la dysphorie de genre chez les enfants et les adolescent·es. La partie somatique de l’indication doit être effectuée par un professionnel pédiatrique-endocrinologue expérimenté, en tenant compte des prérequis (stade de maturité pubertaire, absence de contre-indications somatiques, etc.). » Plus précisément, « l’indication d’un blocage de la puberté est la présence d’une incongruence de genre stable/persistante avec une souffrance dysphorique de genre apparue ou intensifiée après le début de la puberté. »
Là encore, les sociétés expertes reprennent la mise en balance éthique du traitement et de son absence : « La justification de l’indication d’un blocage de la puberté doit inclure une évaluation éthique et réfléchie des bénéfices et des risques spécifiques au cas, tant pour le traitement envisagé que pour l’absence de ce traitement ou l’attente jusqu’à un moment ultérieur. »
Ainsi, face à des situations d’urgence, l’équipe soignante est amenée à se flexibiliser : « Si, dans des cas individuels, une pression temporelle survient en raison de la progression de la maturation pubertaire, où des délais d’attente plus longs pourraient entraîner des dommages irréversibles au corps (par exemple, la mue masculine), un accès aussi rapide que possible à une évaluation psychiatrique et psychothérapeutique pour enfants et adolescent·es et à des possibilités de traitement médical doit être garanti. »
Il est important de souligner que pour le consensus germanophone, il n’est pas nécessaire d’avoir réalisé une transition sociale pour accéder au blocage de puberté, ce qui rend éligible à ce traitement les personnes encore en exploration ou en questionnement de genre. « Un changement de rôle social déjà commencé ou réalisé ne doit pas être considéré comme un critère nécessaire pour l’indication d’un blocage de la puberté. »
Sur les traitements hormonaux à l’adolescence
S’agissant des traitements hormonaux (estradiol, testostérone), les sociétés savantes conditionnent leur prescription aux mêmes critères que les bloqueurs de puberté : « La mise en place d’une indication pour un traitement hormonal de réassignation sexuelle chez les adolescents présentant une incongruence de genre ou une dysphorie de genre doit se faire dans un cadre de coopération interdisciplinaire. Une condition préalable à cette indication est une évaluation et une clarification diagnostique soigneuse, adaptée à l’urgence et à la complexité de la situation individuelle, réalisée par un professionnel de la psychiatrie et de la psychothérapie expérimenté dans le diagnostic et le traitement de la dysphorie de genre chez les adolescent·es. La partie somatique de l’indication doit être effectuée par un professionnel endocrinologue expérimenté dans le traitement des adolescent·es, en tenant compte des prérequis (stade de maturité pubertaire, absence de contre-indications somatiques, etc.). » Plus précisément, outre le besoin exprimé par la personne pour ce traitement, « l’indication d’un traitement hormonal de réassignation sexuelle est la présence d’une incongruence de genre stable/persistante avec une souffrance dysphorique de genre présente après le début de la puberté, associée à un sentiment transgenre de plusieurs années. »
Comme pour les bloqueurs de puberté, la réflexion éthique doit inclure les risques associés à la non-intervention : « La justification de l’indication d’un traitement hormonal de réassignation sexuelle doit inclure une évaluation éthique et réfléchie des bénéfices et des risques spécifiques au cas, tant pour le traitement envisagé que pour l’absence de ce traitement ou l’attente jusqu’à un moment ultérieur. »
Il est important de souligner que l’orientation sexuelle, quelle qu’elle soit, ne doit pas être un critère d’inclusion ou d’exclusion pour les soignant·es : « La mise en place de l’indication pour un traitement hormonal de réassignation sexuelle doit être indépendante de la polarité ou de la binarité de l’identité de genre et indépendante de l’orientation sexuelle des patient(e)s. »
Pour les auteur·ices, le fait « d’expérimenter le rôle social du genre souhaité » est une condition pour l’accès aux traitements hormonaux, tant que « cela est compatible avec la protection contre la discrimination », auquel cas « un accompagnement psychothérapeutique du processus de transition doit être proposé ».
Les professionnel·les impliqué·es dans la prescription d’hormones sexuelles doivent être en mesure de proposer des consultations de préservation de fertilité, face aux incertitudes des traitements hormonaux vis-à-vis de la fertilité future.
Sur les chirurgies à l’adolescence
S’agissant des torsoplasties pour les mineurs transmasculins, les sociétés savantes de l’AWMF conditionnent son accès selon les mêmes critères généraux que les bloqueurs ou les hormones. De plus, « une condition préalable à l’indication d’une mastectomie de réassignation sexuelle ou d’une réduction chirurgicale de la poitrine est la présence d’une incongruence de genre stable/persistante depuis plusieurs années avec une souffrance dysphorique de genre associée à un désir clair de modification de l’organe ou du caractère à opérer. L’évaluation et la clarification diagnostique soigneuse de la stabilité/persistance de l’incongruence de genre et du désir de traitement doivent être réalisées en collaboration avec les patient(e)s et leurs responsables légaux, sur la base d’une exploration minutieuse des résultats psychiques et de l’histoire de vie, par un professionnel de la psychiatrie et de la psychothérapie expérimenté dans le diagnostic et le traitement de la dysphorie de genre chez les enfants et les adolescent·es. »
Encore une fois, la réflexion éthique qui doit soupeser « les bénéfices et risques spécifiques au cas », « tant pour l’intervention envisagée que pour l’absence de cette intervention ou l’attente jusqu’à un moment ultérieur ».
Comme pour les hormones, « une expérimentation sociale du rôle de genre souhaité doit être effectuée, dans la mesure où cela est compatible avec la protection contre la discrimination, » auquel cas « un accompagnement psychothérapeutique du processus de transition doit être proposé. »
Par ailleurs, tant que cela est justifié pour l’individu, une torsoplastie « peut être envisagée sans traitement hormonal de réassignation sexuelle préalable. »
Comparaisons internationales des recommandations
En annexe des recommandations, les sociétés savantes de l’AWMF ont gradé la douzaine de différentes recommandations nationales ou internationales existantes sur les soins spécifiques aux mineur·es trans.
Tableau des évaluations systématiques de la qualité méthodologique de toutes les lignes directrices examinées selon le protocole DELBI :
Ces scores, allant de 0 (moins bonne qualité) à 1 (meilleure qualité) dans 7 domaines différents (cf. Tableau), témoignent de la difficulté générale à élaborer des recommandations sur ce sujet, au vu des scores généralement faibles dont les recommandations évaluées par le protocole DELBI font état. Les recommandations recevant la meilleure note moyenne sur les 6 domaines, à l’exclusion du domaine 7 « applicabilité en Allemagne », sont celles de la WPATH. À ce sujet, l’AWMF note « aucune recommandation divergente identifiable » entre les lignes directrices de la WPATH et celles de l’AWMF.
Comparaison avec le rapport Cass
L’AWMF a beaucoup discuté les recommandations anglaises du NHS (rapport Cass), qui sont souvent mobilisées pour interdire les soins aux mineur·es trans, comme c’est le cas par exemple aux États-Unis.
L’AWMF a contacté le NHS qui lui a confirmé que Hilary Cass était la seule autrice de son rapport. L’AWMF ajoute : « Il n’est pas documenté quelles autres personnes, en dehors de l’autrice, ont été impliquées dans l’élaboration de la revue. La nomination de Hilary Cass en tant que présidente de la revue a été effectuée par le NHS England. Hilary Cass est une pédiatre renommée (notamment experte en syndrome de Rett, autisme, handicap mental, etc.), sans expertise avérée dans le traitement ou la recherche sur la dysphorie de genre chez les enfants et les adolescent·es. Les sociétés médicales spécialisées n’ont pas été impliquées de manière identifiable dans l’élaboration du rapport. Un groupe d’assurance a été constitué, mais il n’a pas participé à l’élaboration des recommandations du Cass Review. Il existe des rapports indiquant qu’un conseil consultatif a également été mis en place. La composition et la contribution concrète de ce conseil ne sont pas documentées. Il n’est donc pas possible d’évaluer l’expertise des membres. »
Probablement en lien avec l’unique autrice déclarée du rapport Cass, « aucune procédure de recherche de consensus (par exemple, DELPHI) n’a été mentionnée, et il n’est pas clair quelles personnes ont été impliquées dans la formulation des recommandations et de la rédaction du texte. Les effets et effets secondaires des interventions médicales corporelles ont été discutés, mais n’ont pas été équilibrés de manière structurée. Les effets et les effets secondaires des interventions psychosociales ou les éventuels effets négatifs des recommandations de la revue elle-même (par exemple, une possible sous-prise en charge) sont à peine discutés. »
Si le rapport Cass propose de conditionner l’accès aux soins – type bloqueurs de puberté – à des recherches cliniques, l’AWMF pointe les limites de cette proposition : « Un vaste programme de recherche est proposé. Aucune analyse des barrières n’est effectuée (bien que la formation soit mentionnée comme facteur pertinent), et les implications financières sont à peine discutées. »
L’AWMF décrit également l’absence de transparence vis-à-vis de potentiels conflits d’intérêt : « Aucune explication concernant le financement du Cass Review ou les conflits d’intérêts n’est fournie. […] Aucune documentation sur le financement de la revue n’est fournie. Les éventuels conflits d’intérêts des personnes impliquées dans l’élaboration du Cass Review ne sont pas divulgués. Les participants ne sont pas nommés. »
Les divergences entre les lignes directrices de l’AWMF et celles d’Hilary Cass sont nombreuses, les plus notables sont relatives aux soins et à l’organisation de ceux-ci : pour Cass en effet, « un blocage de la puberté ou des hormones de réassignation sexuelle ne devra à l’avenir être prescrit uniquement dans le cadre d’une étude clinique. (Recommandation 6) » ; « Les hormones de réassignation sexuelle ne devraient être prescrites qu’avec une ‘extrême prudence’. […] Implicitement : aucune prescription avant l’âge de 16 ans n’est possible. (Recommandation 8) ». Par ailleurs, l’AWMF note que Cass souhaite que « chaque cas de traitement médical corporel doive être décidé au préalable au niveau national par une équipe multidisciplinaire. (Recommandation 9) ».
Notant l’exactitude méthodologique du rapport Cass à 0,38 (sur une échelle allant de 0 à 1), l’AWMF explique : « L’exactitude méthodologique du développement des lignes directrices est globalement jugée faible à moyenne. Les domaines divergent fortement. Il est positif de noter qu’une réception de littérature qualitativement de haute qualité a été réalisée. Cependant, il est problématique que des critères d’exclusion différents concernant la qualité méthodologique des études originales aient été utilisés pour les interventions corporelles par rapport aux interventions psychosociales. En conséquence, les forces et les faiblesses des preuves ont été prises en compte de manière inégale dans la synthèse qualitative. Il en va de même pour l’équilibrage des effets et des dommages des interventions. Dans la revue des interventions psychosociales, il a été affirmé qu’il n’y avait « aucune indication d’effets indésirables ou négatifs » (Heathcote et al., 2024, p. 13). Cependant, cela est incorrect : des effets négatifs ont été décrits dans certaines études incluses (par exemple, Bluth et al., 2021 ; Lucassen et al., 2020). Il est négatif de noter qu’aucune procédure de recherche de consensus n’a été indiquée. Étant donné qu’aucun co-auteur n’a été nommé à côté de l’autrice, il semble que toutes les recommandations ont finalement été fixées par elle seule et non par un groupe représentatif pour le domaine dans une procédure structurée et sur la base des preuves obtenues. De plus, aucune revue externe n’a été réalisée avant la publication. »
L’AWMF critique durement certaines recommandations du rapport Cass : « Le rationnel de la recommandation de la psychothérapie pour la dysphorie de genre n’est pas clairement défini. […] Aucune des études incluses dans la revue pertinente n’a pu montrer une réduction de la dysphorie de genre par la psychothérapie. De plus, comme mentionné précédemment, les résultats dans les études originales sur les interventions psychosociales étaient inégaux, avec une diminution des effets positifs après une période de suivi et les effets négatifs possibles n’ont pas été discutés. »
De plus, l’AWMF note : « Il a déjà été discuté que la recommandation de ‘prudence extrême’ concernant la prescription d’hormones de réassignation sexuelle est formulée de manière ambiguë. Les résultats d’un traitement par des hormones de réassignation sexuelle chez les mineurs dans les études originales examinées (Taylor et al., 2024d) indiquent uniformément une amélioration, bien que les preuves soient jugées incertaines en raison principalement de l’absence de groupes témoins. Non seulement les effets positifs et négatifs de cette intervention auraient dû être discutés, mais aussi l’absence d’alternatives de traitement efficaces. »
Comparaison avec le communiqué de l’Académie nationale de Médecine (France)
L’Académie nationale de Médecine a publié un communiqué en 2022, qui demeure à ce jour, et en attendant les recommandations de bonnes pratiques de la Haute Autorité de Santé, le seul texte français d’une autorité médicale s’étant positionné sur les soins aux mineur·es trans. Le texte de l’Académie diverge sensiblement de celui de l’AWMF, au sujet d’une recommandation de « prudence concernant les médias sociaux pour les enfants et adolescents avec incongruence de genre, sous l’hypothèse que l’influence des médias sociaux contribue à l’augmentation des taux de prévalence de dysphorie de genre chez les adolescents. »
L’AWMF a évalué ce texte très sévèrement : « Aucune méthodologie rapportée. […]. Les auteurs ne sont pas nommés. Aucune expertise spécifique pour les soins de santé des enfants et adolescents avec dysphorie de genre n’est identifiable dans le groupe conclusif. Les experts n’ont pas été auditionnés de manière identifiable. »
« L’exactitude méthodologique de l’élaboration est […] jugée très faible [0,05 sur une échelle de 0 à 1]. Aucune recherche, sélection ou évaluation systématique des preuves n’est identifiable. Aucun processus structuré de consensus au-delà d’un simple vote n’est rapporté. Il n’y a pas eu d’évaluation externe ou de consultation, et aucune durée de validité ou procédure de mise à jour n’est indiquée. »
Cette évaluation très négative de la méthode de l’Académie nationale de Médecine – la plus mal notée sur les 12 recommandations évaluées – contraste fortement avec les relais médiatiques considérables dont son communiqué a bénéficié, en France comme à l’étranger, et devrait encourager les décisionnaires publics à s’appuyer sur une médecine réellement fondée sur les preuves, ce qui inclut, comme l’AWMF la fait, de s’appuyer sur l’expertise clinique des professionnel·les de terrain, ainsi que sur les valeurs et préférences des personnes concernées elles-mêmes.
En France, les recommandations de bonnes pratiques de la Haute Autorité de Santé, s’appuient fortement sur l’état de la science, de l’expertise clinique, et des valeurs et préférences des personnes concernées, et doivent statuer sur les soins aux mineur·es trans de 16 ans et plus. À la différence notable du rapport Cass ou du communiqué de l’Académie nationale de Médecine, une grande transparence, tant à la fois de la composition du groupe de travail que des liens d’intérêt de ses membres, a été observée. Une procédure de recherche de consensus après revue systématique de la littérature, sensiblement proche de celle de l’AWMF a été mise en place. Ces recommandations devraient être disponibles pour le public d’ici la mi-2025.
Cliquer ici pour accéder aux recommandations de l’AWMF (en allemand)
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