Plusieurs psychologues membres de TJT ont publié récemment un article sur l’accompagnement des jeunes trans et plus particulièrement de leurs familles, pour un numéro de la revue « Dialogue ».
Selon les autrices, l’annonce de la transidentité représente un moment crucial et souvent bouleversant pour les jeunes et leurs familles, bouleversant les liens familiaux et générant diverses craintes. Les jeunes cherchent un soutien immédiat de la part de leurs proches pour leur transition sociale et médicale, mais l’urgence qu’ils ressentent contraste fréquemment avec le besoin de réflexion des parents. Ces derniers expriment souvent un choc face à cette révélation, ainsi qu’un désir de temps pour accepter la situation, craignant de répondre à une crise d’adolescence passagère. Ce décalage renforce chez les jeunes l’impression de devoir « prouver » la légitimité de leur identité, tandis que l’incompréhension parentale, accentuée par des préoccupations autour de la capacité des mineur·es à consentir aux traitements, souligne la nécessité d’un équilibre entre respect de l’autonomie des jeunes et protection.
Pour les autrices, ce coming out suscite chez de nombreux parents un sentiment de deuil complexe, un « deuil ambigu » que Jenni Wahlig définit comme une perte abstraite, car l’enfant est toujours là. Ce deuil, lié à la difficulté de reconnaître un enfant différent du genre assigné, incarne une rupture entre l’enfant imaginaire, porteur de projections parentales, et l’enfant réel. Les parents, comme l’illustrent les témoignages, vivent cette transition comme une perturbation de l’ordre familial, affectant parfois les relations transgénérationnelles, notamment dans le coming out auprès des grands-parents. La perte du prénom attribué à la naissance peut aussi intensifier cette rupture symbolique. Ce processus exige souvent un soutien professionnel pour aider les parents à redéfinir leur lien avec l’enfant, car le maintien de ce lien est essentiel pour la santé mentale des jeunes trans.
Dans le contexte d’une transition de genre, les familles créent leurs propres rites de passage pour marquer l’acceptation de la nouvelle identité de leur enfant, face à l’absence de rituels sociaux adaptés. Ces moments, comme des fêtes, des voyages, ou des changements d’environnement, offrent un espace symbolique où la transition devient partagée et intégrée dans le tissu familial. La négociation du nouveau prénom est particulièrement révélatrice : elle permet aux familles de concilier continuité et nouveauté, tout en préservant l’attachement aux racines familiales. Les jeunes trans, confrontés à des degrés variés de soutien parental, entre « soutien affirmateur » et « soutien conditionnel », peuvent parfois ressentir un éloignement ou mener une « double vie » pour éviter des conflits. Néanmoins, les gestes de soutien concret, comme le choix des vêtements ou l’usage des nouveaux prénoms, renforcent le lien familial et aident à traverser cette crise identitaire, contribuant à une adaptation collective.
Les autrices mentionnent différents cas rencontrés dans leur pratique, dont Pauline, jeune femme trans, rejetée par sa famille après avoir révélé sa transidentité, ce qui l’amène à vivre une période difficile marquée par l’errance et l’isolement. Elle trouve toutefois soutien et stabilité dans une « famille choisie » composée de pairs trans et queer, ce qui l’aide à reconstruire sa vie et amorcer sa transition. Plus tard, elle rétablit progressivement le contact avec ses parents, bien que ceux-ci montrent encore une réticence à accepter pleinement son identité en refusant d’utiliser le prénom « Pauline. » Cette expérience met en lumière les défis de l’autonomie et de la subjectivation dans la transition de genre, qui peut réorganiser ou fragiliser les liens familiaux. Une famille soutenante est bénéfique pour la santé mentale des jeunes trans, réduisant les risques de dépression et d’automutilation. Face au manque de soutien familial, les jeunes trans trouvent souvent un refuge dans les groupes de pairs, qui fonctionnent comme une « famille choisie » offrant amour, solidarité et validation de leur identité. Cette communauté, inspirée des réseaux de soutien des communautés queer, permet aux personnes trans de renforcer leur affirmation de soi et de « restaurer ce sentiment d’appartenir à une communauté humaine ».
Les autrices insistent sur l’importance d’adopter une approche sans préjugés pour comprendre les réalités des personnes trans et de leurs proches, notamment les fratries souvent ignorées. Elles soulignent le rôle crucial des professionnel·les dans la création d’un environnement de soutien pour les familles, favorisant ainsi la sécurité, le bien-être et l’autonomisation des jeunes trans dans un contexte social parfois hostile.
Pour accéder à l’article, cliquez ici.
+ d’actualités
Publication des premières recommandations européennes sur l’hormonothérapie des adolescent·es trans
Co-élaborées avec une membre de TJT
Lire la suitePublication des premières recommandations françaises sur l’hormonothérapie des adolescent·es trans
Co-élaborées par plusieurs membres de TJT
Lire la suiteLa santé mentale des jeunes trans ayant bénéficié d’une transition sociale et d’un accès précoces aux soins d’affirmation de genre est normale et stable
Nouvelle étude de l’Université de Princeton
Lire la suiteFonction sexuelle post-vaginoplastie de personnes transféminines ayant reçu des bloqueurs de puberté à l’adolescence
Nouvelle étude de l’équipe d’Amsterdam
Lire la suiteAccompagner la transition de genre : remaniements et adaptations dans la famille
Une publication de membres de TJT
Lire la suite