Population
Le nombre de personnes trans ou non-binaires en France n’a jamais été évalué. On peut toutefois penser que le taux de personnes trans ou non-binaires en France est voisin de celui du Canada, qui a recensé sa population en 2021, en posant une question sur l’identité de genre des personnes recensées. Ce taux est de 0,33 % de la population générale, soit l’équivalent en France de plus de 180 000 personnes trans ou non-binaires.
Il existe de fortes disparités inter-générationnelles dans la capacité à se dire ou non trans : au Canada, il y a 0,73 % de personnes trans ou non-binaires dans la catégorie d’âge des 15-19 ans, mais seulement 0,13 % chez les 65 ans ou plus.
Prise en soins
Être trans ne signifie pas automatiquement suivre une transition médicale, loin de là. D’après les données de l’assurance maladie citées dans le rapport Picard-Jutant, 8 952 personnes avaient l’ALD 31 « transidentités » en France en 2020. Soit un taux de médicalisation de 5 % de la population trans ou non-binaire (estimée à partir des données canadiennes). C’est toutefois une estimation à la baisse : les personnes trans ou non-binaires qui suivent une transition médicale n’ont pas toutes l’ALD 31, par ailleurs, ce chiffre de 5 % exclut les personnes trans ou non-binaires qui ont déjà suivi une transition médicale (et l’ont arrêtée ou terminée).
L’étude de l’Agence européenne pour les droits fondamentaux permet d’estimer le taux de personnes trans ou non-binaires qui ont déjà bénéficié de soins affirmateurs de genre (hormones, chirurgies, etc.) : iels étaient 17 % en France. Parmi celles et ceux qui n’en ont pas bénéficié, le facteur explicatif principal était, pour la moitié d’entre eux, qu’ils n’en ressentaient pas le besoin. Mais d’autres facteurs explicatifs, discriminatoires, à la non-médicalisation entrent en jeu : 24% d’entre eux n’y ont pas eu recours car ils ont subi des réactions négatives des professionnel·les de santé, 17 % n’avaient pas les moyens, 10 % ne savaient pas à qui s’adresser, et 10 % ne pouvaient ou voulaient pas obtenir un diagnostic psychiatrique préalable aux soins.
Pour les jeunes, la transition médicale est encore plus rare : en 2020, 294 mineur·es bénéficiaient de l’ALD 31, soit un taux de médicalisation de 0,8 % des mineur·es trans ou non-binaires (estimation basse). La même année, iels étaient en tout 48 à bénéficier de soins chirurgicaux (non-génitaux). L’étude de l’Agence Européenne des Droits Fondamentaux permet d’estimer à 1,9 % le taux de jeunes trans ou non-binaires de 15-17 ans ayant déjà reçu des soins affirmateurs de genre.
En France, le nombre de personnes transféminines et transmasculines prises en soins est sensiblement égal, d’après les informations de la CNAM de 2019, citées dans le rapport Picard-Jutant (2022).
Transphobie
L’enquête française « Virage LGBT » de l’Ined (2020) a étudié les violences de genre chez les LGBT (lesbiennes, gays, bisexuel·les et trans). Il en ressort que 60 % des personnes trans subissent des violences intrafamiliales, qu’elles soient physiques, psychologiques ou sexuelles, soit significativement plus que les lesbiennes, gays et bisexuel·les cis (45 %). Près d’1 jeune trans sur 5 se retrouve exclu·e du domicile parental en raison d’un conflit, soit significativement plus que les jeunes lesbiennes, gays, et bisexuel·les cis (1 jeune sur 10). Près de 80 % de personnes trans ont déjà subi des violences dans l’espace public, qu’il s’agisse d’harcèlement sexuel, d’insultes, de violences physiques ou sexuelles, soit significativement plus que les lesbiennes, gays, bisexuel·les cis (66 %).
L’étude de l’Agence européenne pour les droits fondamentaux permet de relever que près d’un quart des personnes trans françaises évitent de révéler leur identité trans à leur famille par peur d’être agressées, menacées ou harcelées. À l’école, 45 % des jeunes trans français·es ont souvent ou tout le temps subi des commentaires ou comportements hostiles du fait d’être trans. Plus des deux tiers des jeunes trans ont été ridiculisé·es, tourmenté·es, insulté·es ou menacé·es, à l’école, du fait d’être trans, en particulier par leurs camarades (64 % des jeunes trans) et même par le personnel éducatif (22 % des jeunes trans). Pour 78 % des personnes trans françaises interrogées, l’école n’est jamais intervenue pour résoudre les problématiques LGBTI.
Suicidalité
Les comportements auto-agressifs et suicidaires sont très élevés chez les personnes trans, en raison notamment de la transphobie qu’elles subissent au quotidien. Les études en Europe, aux États-Unis et au Canada rapportent une prévalence des tentatives de suicide de 22 à 43 % sur la vie entière et de 9 à 10 % sur l’année précédente chez les personnes trans (Condat et al., 2022).
Chez les plus jeunes, l’étude américaine de l’UCLA (2019) permet d’observer que 86 % des 18-24 ans ont déjà songé à se suicider, et 42 % ont déjà tenté de le faire. Chez les personnes trans, le nombre d’expériences de discriminations majeure subies dans les 12 derniers mois est puissamment corrélé avec le taux annuel de tentatives de suicides : si 5 % des personnes trans qui n’ont vécu aucune discrimination majeure dans l’année ont tout de même tenté de mettre fin à leur jour cette année-là, elles sont 51 % à tenter de se suicider quand elles ont subi 4 discriminations majeures dans l’année.
À la consultation de l’Hôpital de la Pitié-Salpêtrière, sur 239 situations cliniques, nous retrouvons des chiffres assez proches : à la première consultation 38 % des enfants et adolescent·es accueilli·es ont été victimes de harcèlement en milieu scolaire ; 33 % ont déjà décroché scolairement sur une durée d’au moins 3 mois ; 60 % présentent un état dépressif majeur ; 24 % ont déjà fait une tentative de suicide (Condat et al., 2022).
Co-occurrences de troubles de la santé mentale
Puisque les transidentités ne sont pas une maladie mentale, nous ne parlons pas de « co-morbidités », mais de « co-occurrences » de troubles de la santé mentale.
L’étude prospective britannique de Holt et al. (2014) portant sur 218 enfants et adolescent·es trans d’âge moyen 14 ans retrouve des contextes de harcèlement chez 49,4 % des jeunes transféminines et 45,3 % des jeunes transmasculins, des idéations suicidaires chez 38,3 % à part égale dans les deux sexes d’assignation, des troubles du spectre autistique (TSA) chez 18,5 % des jeunes transféminines et 10,2 % des jeunes transmasculins, des troubles déficitaires de l’attention–hyperactivité (TDAH) chez 12,3 % des jeunes transféminines et 5,8 % des jeunes transmasculins. Enfin beaucoup plus rarement, des troubles schizophréniques chez 3,7 % des jeunes transféminines et 5,8 % des jeunes transmasculins (cf. Condat et al., 2022).
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