[English version below]
Trajectoires Jeunes Trans est la plus grande plateforme de France de mise en réseau des différents acteurs impliqués sur le territoire francilien dans l’accompagnement en santé des mineurs transgenres et en exploration de genre, ainsi que de leurs familles. Trajectoires Jeunes Trans s’alarme d’une proposition de loi visant à pénaliser la prescription de soins chez les mineurs transgenres adoptée aujourd’hui par le Sénat.
Le Sénat a voté ce mardi 28 mai 2024 la proposition de loi “visant à encadrer les pratiques médicales mises en œuvre dans la prise en charge des mineurs en questionnement de genre”. Loin “d’encadrer” les pratiques médicales, comme l’ont fait par exemple le rapport Cass au Royaume-Uni, ou les recommandations finlandaises et suédoises, cette proposition de loi vise en réalité à pénaliser toute option de soin affirmative de l’identité de genre des jeunes transgenres, y compris lorsque cette option de soin est indiquée médicalement.
Très loin du consensus scientifique et médical élaboré par plus de 2500 experts en santé transgenre et l’analyse de plus de 1500 études scientifiques (WPATH 2022), très loin également des recommandations sanitaires de nombreux pays (Canada, Pays-Bas, Belgique, Allemagne, Autriche, Suisse, etc.), le Sénat s’est laissé emmener dans ce que la pédiatre britannique Hilary Cass dénonce comme une “guerre culturelle”, qui plutôt que de faire valoir le droit à la protection de la santé des mineurs transgenres, constitue au contraire une agression à leur endroit inédite en Europe. 25 États américains, tous gouvernés par des partisans de Donald Trump, ainsi que la Russie, ont légiféré pour pénaliser les options de soins trans-spécifiques chez les mineurs transgenres. Si cette proposition de loi suit son parcours législatif et voit le jour, la France deviendrait la première démocratie au monde à interdire ces soins, pourtant vitaux pour les jeunes chez qui ils sont indiqués.
Soutenue par l’Agence Régionale de Santé d’Île-de-France, la Fondation de France, la DILCRAH, l’AP-HP et la Ville de Paris, Trajectoires Jeunes Trans a dès sa fondation en 2021 oeuvré à harmoniser les pratiques d’accompagnement des mineurs transgenres pour qu’elles soient respectueuses à la fois des droits humains des premiers concernés, mais aussi des plus hauts standards de soins internationaux fondés sur les preuves médicales et l’état de la science (Endocrine Society 2017, WPATH 2022).
Nous savons aujourd’hui que la catégorie d’âge la plus jeune est la plus à risque de suicide (42% de tentatives de suicides chez les 18-25 ans). Les taux d’idéations suicidaires et de tentatives de suicides sont 600% de fois plus fréquents chez les jeunes trans que chez les jeunes non-trans. Sur plus de 92.000 personnes trans enquêtées en 2022, 94% des personnes qui entament une transition de genre sont plus satisfaites de leur vie depuis qu’elles transitionnent. 98% des personnes trans qui bénéficient d’hormones sont plus satisfaites de leur vie depuis qu’elles en prennent. Que le rapport sénatorial d’Alain Milon instrumentalise la minorité de personnes pour qui les soins trans-spécifiques ne se révéleront pas adaptés pour interdire à toutes les personnes ces soins, y compris celles pour qui ils sont vitaux, relève d’une indistinction médicale dangereuse et nocive. Cette propension à légiférer contre des options de soins pour prétendre anéantir les risques de regret est à mettre en parallèle avec les attaques contre le droit à l’avortement chez les femmes mineures, dont les taux de regrets sont par ailleurs supérieurs à ceux de soins trans-spécifiques. Il s’agit d’une attaque idéologique et politique à peine voilée contre les droits sexuels et reproductifs des femmes et des minorités LGBT+.
Dans ce champ disciplinaire, toute la complexité de notre métier, professionnels de santé experts du sujet, est de savoir si des soins trans-spécifiques sont indiqués ou non chez une personne mineure. Cela nécessite de bien connaître les besoins de ces jeunes, leur histoire, particulièrement en santé mentale, de savoir si des comportements auto-agressifs et suicidaires sont susceptibles de se produire ou se reproduire en l’absence de soins trans-spécifiques, d’évaluer les capacités de l’enfant à renouer avec une sociabilité avec les pairs et à se rescolariser. Cela exige de nouer une relation de confiance tant avec les jeunes qu’avec leurs parents, d’évaluer de façon biopsychosociale et holistique l’adolescent dans son environnement social et son système familial. Dans une démarche de prise de décision médicale partagée, le parcours de soins le plus adapté à la personne mineure est élaboré avec elle ainsi qu’avec ses parents, en laissant le plus de possibilités à l’exploration de genre, aux redirections de transition, aux tâtonnements, ou aux éventuels retours en arrière. Rien dans cette proposition de loi ne témoigne d’une quelconque subtilité dans la prise en soins des jeunes transgenres : elle vise à tout pénaliser sans distinction de nécessité médicale, ce qui témoigne de sa fondation idéologique et non scientifique.
Le vote du Sénat ne change rien à notre engagement en faveur de la protection de la santé des mineurs transgenres et de leur épanouissement. Le parcours législatif de ce texte n’étant pas terminé nous continuerons à prescrire des soins lorsque nous les estimerons nécessaires, en conscience, et en connaissance des effets largement bénéfiques qu’ils ont déjà permis d’obtenir chez plusieurs centaines de jeunes en France. Lorsque cette proposition de loi sera examinée par l’Assemblée Nationale, nous appelons les députés de tout groupe parlementaire à faire bloc contre ce texte dangereux, liberticide, discriminatoire et inédit dans un État de droit.
Nous appelons notamment le Gouvernement à se positionner fermement en opposition à ce texte transphobe et à poursuivre la voie qu’il a engagée à l’OMS en 2019 : celle de la dépsychopathologisation des transidentités, dont la saisine de la Haute Autorité de Santé pour l’élaboration de recommandations de bonnes pratiques est la résultante. En France, comme ailleurs en Europe, ce sont les autorités sanitaires indépendantes des mouvances politiques et des clivages idéologiques, qui doivent se saisir de l’amélioration du système de santé, et c’est particulièrement vrai lorsque cela concerne des populations vulnérables et minorisées.
Contact presse : trajectoiresjeunestrans@gmail.com
English version :
The French Senate adopts a dangerous law for the health of transgender minors
Trajectoires Jeunes Trans is the largest platform in France for networking among various stakeholders in the Île-de-France region who are involved in health support for transgender minors and gender expansive youth, as well as their families. Trajectoires Jeunes Trans is alarmed by a proposed law aiming to penalize the prescription of care for transgender minors, adopted today by the Senate.
On Tuesday, May 28, 2024, the Senate voted on the proposed bill « aiming to regulate medical practices in the care of minors questioning their gender. » Far from « regulating » medical practices, as done, for example, by the Cass report in the UK, or the Finnish and Swedish recommendations, this proposed bill actually aims to penalize any affirmative care option for the gender identity of transgender minors, even when this care option is medically indicated.
This proposal is very far from the scientific and medical consensus established by more than 2,500 transgender health experts and the analysis of more than 1,500 scientific studies (WPATH 2022), and also far from the health recommendations of many countries (Canada, Netherlands, Belgium, Germany, Austria, Switzerland, etc.). The Senate has been drawn into what British pediatrician Hilary Cass calls a « culture war, » which, instead of asserting the right to health protection for transgender minors, constitutes an unprecedented attack on them in Europe. Twenty-five US states, all governed by Donald Trump supporters, as well as Russia, have legislated to penalize transgender-specific care options for transgender minors. If this proposed law follows its legislative path and comes into effect, France would become the first democracy in the world to ban these treatments, that are vital for young people for whom they are indicated.
Supported by the Île-de-France Regional Health Agency, the Fondation de France, the DILCRAH, the AP-HP, and the City of Paris, Trajectoires Jeunes Trans has, since its founding in 2021, worked to harmonize practices in supporting transgender minors to ensure they respect both the human rights of those directly concerned and the highest international standards of care based on medical evidence and scientific knowledge (Endocrine Society 2017, WPATH 2022).
We now know that the youngest age category is at the highest risk of suicide (42% of suicide attempts among 18-25-year-olds). Suicidal ideation and suicide attempt rates are 600% higher among transgender youth than among non-transgender youth. Of more than 92,000 transgender people surveyed in 2022, 94% of those who begin a gender transition are more satisfied with their lives since transitioning. 98% of transgender people who receive hormones are more satisfied with their lives since starting them. That Senator Alain Milon’s report instrumentalizes the minority of people for whom transgender-specific care will not be suitable to ban such care for all people, including those for whom it is vital, reflects a dangerous and harmful medical indistinction. This propensity to legislate against care options to ostensibly eliminate the risks of regret parallels attacks on the right to abortion for minor women, whose rates of regret are higher than those of transgender-specific care. It is an ideological and political attack, thinly veiled, against the sexual and reproductive rights of women and LGBT+ minorities.
In this field, the complexity of our profession as health professionals is to determine whether transgender-specific care is indicated for a minor. This requires a thorough understanding of these young people’s needs, their history, particularly in mental health, and the likelihood of self-harming and suicidal behaviors in the absence of transgender-specific care. It also involves evaluating the child’s capacity to reestablish social connections with peers and to reintegrate into school. Building a relationship of trust with both the young people and their parents, assessing the adolescent in a biopsychosocial and holistic manner within their social environment and family system, and engaging in shared medical decision-making to develop the most suitable care pathway for the minor are all necessary. This includes leaving as many possibilities as possible for gender exploration, transition redirection, experimentation, or possible reversals. Nothing in this proposed law demonstrates any subtlety in the care of transgender youth: it aims to penalize everything without regard to medical necessity, indicating its ideological rather than scientific foundation.
The Senate vote does not alter our commitment to protect the health and well-being of transgender minors. As the legislative process for this text is not complete, we will continue to prescribe care when we deem it necessary, with full awareness of the significant benefits already achieved for several hundred young people in France. When this proposed law will be examined by the National Assembly, we call on members from all parliamentary groups to unite against this dangerous, liberticidal, discriminatory text, unprecedented in a State of Law.
We specifically call on the Government to firmly oppose this transphobic text and continue the path it embarked on with the WHO in 2019: the depathologization of transgender identities, resulting in the referral to the Haute Autorité de Santé for the development of best practice recommendations. In France, as elsewhere in Europe, it is the independent health authorities, free from political movements and ideological divides, that must take charge of improving the health system, especially when it concerns vulnerable and marginalized populations.
Press contact: trajectoiresjeunestrans@gmail.com