Un groupe de travail de la Société Française d’Endocrinologie et de Diabétologie Pédiatrique a élaboré un consensus d’expert·es autour de 20 endocrinopédiatres venant de 14 équipes spécialisées de France et de Suisse.
Les considérations éthiques relatives aux soins d’affirmation de genre (bloqueurs de puberté et hormones sexuelles) chez les adolescent·es trans sont abordées. Les expert·es soulignent la nécessité d’équilibrer l’intérêt supérieur du jeune et son autonomie, tout en prenant en compte la complexité des traitements hormonaux et leurs effets à long terme, encore peu documentés. Les études récentes montrent que les jeunes trans réfléchissent souvent longuement sur ces traitements, comprennent leurs effets et risques, et sont compétents à prendre une décision informée. De plus, les taux de retransition demeurent faibles, autour de 1 à 6 % selon les études.
Pour les spécialistes, même s’il n’existe pas de risques sévères connus, l’évaluation des effets médicaux et psychologiques doit continuer à long terme. Dans tout traitement nouveau, particulièrement en pédiatrie, les connaissances sur les effets de long terme sont manquantes. Cela ne veut pas dire pour autant qu’il ne faut pas traiter. En effet, une attitude attentiste, dite wait-and-see, a été démontrée comme inefficace sur la réduction de la détresse psychologique, associée à un accroissement des tentatives de suicide, et une altération du développement psycho-affectif et cognitif.
Les praticien·nes doivent fournir une information claire, adaptée et complète sur les traitements proposés, incluant leurs modalités, effets attendus, risques potentiels et leur caractère réversible ou non. Cette information doit être communiquée avant la prescription pour permettre un délai de réflexion suffisant, avec des supports adaptés pour faciliter la compréhension. Le jeune et ses représentants légaux doivent être informé·es de leur liberté d’interrompre le traitement à tout moment sans affecter leur suivi médical. Les soignant·es s’assurent que le consentement est libre et éclairé, en sollicitant si nécessaire d’autres professionnel·les en cas de doute. Le consentement, manuscrit et compréhensible, est requis pour chaque traitement hormonal faisant l’objet d’une discussion collégiale pluridisciplinaire.
Concernant l’approche des soins, celle-ci se veut affirmative, telle que recommandée par l’OMS et les principales sociétés de santé, et consiste à reconnaître et soutenir l’identité de genre des jeunes en abordant de manière intégrée les aspects psychologiques, sociaux et médicaux de leur bien-être. Cette approche vise à répondre de manière respectueuse et holistique aux besoins des jeunes en leur permettant d’affirmer leur identité de genre. Pour cela, un accompagnement pluriprofessionnel est conseillé, impliquant des spécialistes de la santé mentale, de l’endocrinologie pédiatrique, de la fertilité, ainsi que d’autres professionnel·les comme des pairs-aidants, des juristes et des travailleurs·ses sociales. Ce réseau de soins devrait collaborer avec les ressources locales pour offrir un accompagnement de proximité adapté.
Il est recommandé par les expert·es que chaque décision thérapeutique (bloqueurs de puberté, hormones) soit toujours précédée d’une discussion collégiale en réunion pluriprofessionnelle, tout particulièrement lorsqu’elle concerne des jeunes de moins de 16 ans. Les expert·es précisent : « Le quorum minimal pour ces réunions est composé d’au moins un pédiatre spécialisé en endocrinologie et un pédopsychiatre qui ne seront pas nécessairement en charge de tous les dossiers présentés, mais dont le rôle sera de fournir un avis spécialisé lorsque cela sera nécessaire. Le dossier sera présenté par au moins un·e des professionnel·les accompagnant le jeune. En fonction des possibilités locales et des besoins des situations présentées, pourront également participer, dans le respect du secret médical, les autres membres de l’équipe ou du réseau ainsi que toute personne dont la compétence pourra éclairer les discussions incluant notamment les associations de personnes concernées. En fonction des possibilités logistiques locales, notamment en termes de respect du secret médical, nous conseillons d’offrir la possibilité au jeune concerné d’être présent ou représenté lors des discussions concernant sa situation. »
S’agissant des bloqueurs de puberté, ils sont indiqués à partir de la puberté pour les jeunes qui ont une incongruence de genre persistante associée à une souffrance exprimée en lien avec le développement des caractères sexuels secondaires. L’inhibition de la puberté donne l’opportunité de continuer d’explorer l’identité de genre en s’affranchissant de la détresse qu’engendrerait la progression pubertaire. Elle permet également d’éviter certaines chirurgies éventuelles futures ou de les rendre moins invasives. Parmi les effets indésirables au long terme, les données acquises depuis 40 ans dans les indications de pubertés précoces sont rassurantes. Les effets sur la santé mentale sont bénéfiques ou non-délétères, selon les études. Les bloqueurs de puberté n’altèrent pas les performances scolaires ni le fonctionnement exécutif. La fertilité se développe normalement à l’arrêt des bloqueurs. La minéralisation osseuse est à surveiller particulièrement due à l’effet du traitement sur celle-ci (réversible plus tard lors de l’induction pubertaire) d’autant que celle des jeunes trans est déjà basse même sans traitement peut-être à cause de la dysphorie (activité physique basse, troubles alimentaires…). Une supplémentation en calcium et vitamine D est recommandée, de même qu’une activité physique régulière.
Les hormones sexuelles quant à elles sont indiquées en présence d’une incongruence de genre confirmée et pour des jeunes qui présentent un degré de maturité émotionnelle et cognitive suffisant pour consentir de façon éclairée au traitement. Les expert·es précisent : « L’ancienneté de l’incongruence de genre et du suivi médical, la persistance de la demande de transition, le degré de souffrance psychologique ainsi que la maturité du jeune sont des éléments qui seront pris en compte dans la décision du moment optimal d’introduction du traitement. ». Les expert·es indiquent un manque de connaissances sur l’impact à long terme sur la fertilité de l’usage d’hormones d’affirmation de genre, en dépit de nombreux cas de grossesses chez des hommes trans ayant arrêté la prise de testostérone. L’usage d’estrogènes sur les possibilités de fertilité future serait moins favorable que l’usage de testostérone. Dans tous les cas, le manque de connaissances ou les connaissances parcellaires justifient de recommander une consultation de préservation de fertilité.
La publication de ces premières recommandations françaises sur l’accompagnement des adolescent·es trans intervient alors que deux autres travaux d’élaboration de recommandations sont en cours : les recommandations de la société européenne d’endocrinologie pédiatrique (ESPE), et les recommandations de bonnes pratiques de la Haute Autorité de Santé (pour les 16 ans et plus), attendues début 2025.
Pour accéder aux recommandations de la SFEDP en français, cliquez ici.
Pour la version en anglais, cliquez ici.
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